Les luttes pour la Paix, le Pain, les Libertés dans les entreprises de Grand et Petit-Couronne de 1936 à 1938
Le Front populaire reste très présent dans la mémoire des descendants de ceux et de celles qui, à Couronne, ont lutté pour « la Paix, le Pain et les Libertés » dans les entreprises SONOPA, PEC, JUPITER, sur le Port et dans les deux villes voisines. L’ industrialisation massive, rapide des deux cités n'est sans doute pas étrangère au soutien, à la participation des Couronnais aux luttes revendicatives et politiques qui s'y sont déroulées, entre l’été 1936 et novembre 1938.
Naissance d’une cité ouvrière
En 10 ans 3000 emplois industriels voient le jour.
Trois usines sortent de terre entre 1928 et 1931 dans les deux cités voisines.
Une papeterie construite par la Société nouvelle de papeterie, SONOPA.
Une usine d’engrais, la PEC (Potasse et engrais chimique).
Une raffinerie de produits pétroliers, Jupiter à Petit Couronne.
Pour faire face au trafic généré par ces 3 entreprises, le Port de Rouen a créé trois installations
Ces entreprises sont relativement épargnées par la crise mondiale
Elles appartiennent à des secteurs d’activité « abrités », travaillant surtout pour un marché intérieur protégé.
Mais les conditions de travail sont rudes
Dans toutes les entreprises, la journée de travail est fixée à 8 heures, le seul jour de repos est le dimanche, hors les jours fériés, il n’existe pas de congés payés. Les ouvriers vivent quotidiennement la fatigue d’un travail où l’effort physique demeure important, à quoi s’ajoutent, pour certains, de longs déplacements
Dès sa reparution en 1935, alerté sans doute par ses correspondants locaux, l’hebdomadaire du PCF, le Prolétaire normand dénonce : l’insalubrité des ateliers en raison des émanations délétères, de la poussière, de la chaleur, de l’absence d’isolation, du bruit ; les rythmes de travail ; la fréquence et la gravité des accidents du travail car les dispositifs de protection sont rares. Il se fait l'écho de l’arbitraire des petits chefs, des mouchardages des gardiens, des pratiques discriminatoires : « les lèche- bottes » sont favorisés dans la répartition des heures supplémentaires.
Les grandes entreprises couronnaises, (Jupiter compte plus de 1 000 salariés, les deux autres en approchent) sont des usines récentes, modernes où les installations, les processus de travail ont été rationalisés, pensés pour optimiser le rendement. Même si elles échappent en grande partie à la crise, comme le souligne A. Prost dans les entreprises de ce type, elle s’y traduit « par une surexploitation systématique, une intensification des cadences, un renforcement des contraintes disciplinaires ».
Autant de sources de mécontentement que renforcent la précarité du quotidien et de l'avenir Le quotidien et l'avenir sont mal assurés Les salaires, même s‘ils sont en moyenne plus élevés dans ces 3 entreprises, ne permettent pas d’économiser, le chômage partiel est très mal indemnisé.
En cas de maladie, les assurances sociales qui fonctionnent depuis 1932, ne couvrent pas toute la population et les indemnités versées sont limitées. Pour les familles, les allocations familiales existent dans la chimie depuis 1933, mais elles sont faibles.
La retraite vieillesse est quasi inexistante. Fort heureusement les Mutuelles apportent un peu de sécurité mais beaucoup de Couronnais doivent recourir encore au Bureau de bienfaisance.
Vers le front populaire
Quelques rapports des RG, les articles des journaux locaux, les résultats des élections sont nos seules sources d’informations sur l’évolution de l’opinion publique. De 1928 à 1932 Grand Couronne glisse à gauche .
Aux élections cantonales, législatives la Gauche progresse de scrutin en scrutin.
Aux Législatives de 1928 , la droite reste de peu majoritaire à Grand Couronne : 50,4% des exprimés au 2è tour en 1932 : le député sortant Lebret, SFIO, Maire d’Elbeuf, y totalise : 56,4%. On ne peut guère mettre ces résultats en relation avec l’activité des partis politiques, la droite n’existe qu’au travers de l’Union pour la Paix religieuse, le comité cantonal du parti radical a surtout une activité « de sommet » et selon le rapport des Renseignements Généraux de 1930 , il n’existe à Grand Couronne aucune des deux organisations issues de la scission du Congrès de Tours : la SFIO, la SFIC.
Néanmoins l’information circule : la présence des journaux locaux, de droite : Journal de Rouen, Journal d’Elbeuf ; de gauche : la Dépêche, l’Elbeuvien est attestée chez les débits de tabac de Grand Couronne et des Essarts. La radio (un vendeur de TSF est installé en 1935, rue Clemenceau), en fin de semaine le cinéma Boutigny, rue de l’Église, diffusent les nouvelles. La vie politique s’anime à l’occasion des campagnes électorales, chaque candidat tient au moins une réunion publique contradictoire au bourg et aux Essarts, elles sont parfois fort suivies : 150 participants au meeting de Lebret candidat SFIO à la députation en 1928, 250 à celui de son concurrent de droite. La formation du Front populaire L’historiographie, très abondante, a analysé tous les aspects de la triple crise économique institutionnelle, internationale qui l’a fait naître, la difficile émergence de l’union entre la SFIO, le PCF, le parti Radical, les victoires de l’été 1936 et l’échec final.
Ses conclusions valent bien sûr, pour Grand et Petit Couronne et leurs entreprises qui vivent et vibrent au rythme du pays tout entier. Les résultats du scrutin législatif du printemps 1936 ne laissent aucun doute : Grand Couronne est tout acquis au Front Populaire
Les beaux jours du Front Populaire
Courtade, PCF, en tête au soir du 1er tour des Législatives
Le 26 avril, dans la 3è circonscription (Elbeuf-Grand Couronne) il devance de 40 voix, le sortant Lebret passé depuis 1932 de la SFIO au Parti Socialiste de France, mais il refuse de se désister .
La droite, les Croix de Feu comprennent vite qu’il est seul en mesure de faire barrage au communiste. Dans la nuit du 2 au 3 mai, ils contraignent, Barbin, le mieux placé des candidats de droite à annoncer son retrait.
Lebret est donc élu.
La politique d’union pratiquée depuis 1934 par le PCF lui a été, particulièrement favorable à Grand Couronne : 10,1% au 1er tour des législatives de 1932, 26% le 26 avril, 45,7% à l’issue de ce 2è tour (58,3% dans le canton) progression sensiblement plus forte qu’au niveau national où le PCF double ses voix.
On peut avancer quelques éléments d’explication : le renouveau d’activité de la SFIO, Guerrand employé de la SONOPA, élu depuis 1935 au Conseil municipal, y est le porte-parole des revendications populaires. L'implantation du PCF : Roger Poujol, militant expérimenté, nommé directeur de l’école de Garçons de Petit Couronne constitue autour de lui un premier noyau de 5 adhérents à Petit Couronne et 3 à Grand Couronne.
Le renouvellement du corps électoral, les Couronnais de souche sont minoritaires parmi les électeurs inscrits, les usines ont attiré des ruraux venus des campagnes de Seine Inférieure, de l’Eure, des départements bretons. La forte composante ouvrière de la population : 6 actifs sur 10 sont ouvriers d’usine, du port, du bâtiment. Ces déracinés dont le cadre de vie, les repères ont été bouleversés, (la majorité vit désormais en cité), découvrent le travail en usine. L’apprentissage est rude, les conditions de travail y sont difficiles, elles suscitent des frustrations, un mécontentement diffus dont le Prolétaire normand se fait l’écho dès sa reparution .
Leur forte participation aux grèves du 4 au 10 juin en témoigne. L’été de l’espoir Couronne en Grève. Trois semaines après l’occupation emblématique de Breguet, au Havre, la vague gagne Rouen, puis le 4 juin Grand et Petit Couronne . On peut y discerner deux temps forts Une brève flambée du 4 au 10 Elle embrase successivement, le 4, URG (120 salariés) ; le 5, Jupiter (1200) ainsi que PEC ; le 6, la SCPA, Chouard, les Pieux Frotté (bâtiment et travaux publics) ; le 8, la SONOPA, c’est l’apogée du mouvement.
Le commissaire spécial des renseignements généraux pour la rive gauche, Arsac dresse la liste des revendications : augmentation des salaires, réduction de la durée du travail de 48 à 40 heures, suppression des heures supplémentaire, reconnaissance du droit syndical, élection de délégués du personnel. Satisfaction obtenue auprès des directions pour ce qui les concerne ou par la signature, le 8, des accords Matignon, les entreprises couronnaises reprennent le travail entre le 9 et le 11 juin.
Mais le conflit se prolonge dans les Pétroles Chez Jupiter et dans les raffineries de la Basse Seine, la grève se poursuit, les usines demeurent occupées, les piquets de grève réservent le carburant aux seuls usagers prioritaires. Les négociations menées dès le 7 juin entre délégués des raffineries et patrons du pétrole, d’abord à Paris, puis à Rouen sous l’égide du Préfet échouent. Le 14 juin la situation est au point mort. Les pétroliers tentent de dresser l’opinion contre les salariés accusés de provoquer la pénurie et de vouloir nationaliser les raffineries.
Les salariés mettent en cause l’intransigeance des patrons. Le gouvernement intervient, les négociations reprennent présidée par Ramadier sous-secrétaire d’état aux transports, elles aboutissent à un accord. À leur retour de Paris les délégués sont accueillis triomphalement, le soir un cortège de 2000 salariés de Jupiter PEC, SONOPA parcourt les cités de Petit et Grand Couronne, l’on remet un bronze à, l’un des délégués, Massie « l’artisan de la victoire ».
Les acquis sont substantiels en effet : augmentation du salaire horaire de 1,20 F, prime pour les travaux insalubres, diminution de la durée du travail en attendant la mise en œuvre de la loi, création d’une 4è équipe de quart, 12 jours de congés payés, amélioration des conditions d’hygiène et de sécurité, élection de délégués du personnel.
Le gouvernement met en œuvre le programme du rassemblement populaire, c’est l’été de l’espoir, à Grand Couronne l’adhésion est enthousiaste. Elle s’accompagne d’une forte poussée de la syndicalisation.
L’essor de la CGT réunifiée
En juin toutes les entreprises de Couronne ont une section syndicale.
Les premières élections des délégués à l’automne confirment la représentativité de la CGT, elle devance largement la CFTC et les syndicats professionnels. La vie syndicale est intense et démocratique, les délégués élus sont les porte-paroles efficaces des revendications quotidiennes de leurs compagnons de travail. Elle s’élargit aux loisirs, aux sports : les syndicats des Industries Chimiques (IC) de Petit et Grand - Couronne créent des clubs affiliés à la FSGT. Ce sont aussi les premiers congés payés
Les tensions de l’automne
L’euphorie est brève, dans les raffineries, sur le port les patrons amorcent une contre-offensive Dans les pétroles ils retardent la conclusion de la convention collective régionale, les ouvriers de Jupiter doivent débrayer en août pour en hâter la signature.
En janvier, la hausse des prix suscite une demande d’augmentation du salaire horaire de 1 Fr. Demande soumise à un arbitrage dont le résultat connu en avril ne satisfait pas les demandeurs : + 0,3%. À la SCPA, la direction multiplie les licenciements arbitraires de ceux qui refusent le travail « à la prime » c’est-à-dire au rendement.
Une première grève le 30 novembre impose leur réintégration, le travail cesse de nouveau du 30 - 11 au 4 - 12 pour obtenir le même salaire que les dockers, les manutentionnaires de la SCPA font le même travail qu’eux. Un troisième mouvement commence le 13 - 02 contre l’intensification des cadences. Le travail reprendra le 16 - 03 sans qu’on sache si les grévistes ont obtenu satisfaction.
Le front populaire fragilisé
Le non intervention en Espagne décidée par Léon Blum crée une première fêlure. Les députés communistes s’abstiennent dans le vote de confiance qu'il demande. À Petit et Grand - Couronne la cause républicaine est populaire, la CGT, le PCF, la JC, les Comités de lutte contre le fascisme et la guerre, parfois la section SFIO multiplient les collectes de vivres, de vêtements, d’argent, les ventes de cartes de soutien pour financer l’aide aux combattants, aux blessés, aux civils, aux réfugiés.
Deux ouvriers de Petit Couronne : Rousseau et Bettini s’engagent dans les Brigades internationales en mars 1938, un Elbeuvien, terrassier à Grand Couronne : Robert Richer, un docker domicilié à Petit - Couronne : Henri Perrin, rejoignent les volontaires. Perrin affecté au 4è bataillon de la 14è Brigade est tué, le 26 -07-1938 à Tortosa pendant l’offensive sur l’Ebre.
La solidarité des Couronnais ne se démentira pas jusqu’ à la fin de l’Espagne républicaine en mars 1939.
La violence des affrontements politiques
La presse de droite, y compris le Journal d’Elbeuf se livre à des campagnes d’un violent antisémitisme contre Blum et de calomnie haineuse contre le ministre de l’Intérieur Salengro, accusé à tort de trahison, pendant la guerre, il est acculé au suicide.
Dans la rue les vendeurs du Flambeau, l’hebdomadaire du PSF, recherchent la confrontation , plus grave le drame Clichy le 16 -03 -1937 où la police tire sur les manifestants venus protester contre la tenue d’un meeting du PSF fait 7 morts. À l’appel des syndicats CGT, 1500 ouvriers de Couronne réclament le châtiment des coupables et la dissolution réelle des Ligues.
Les difficultés économiques
La hausse des prix alimentaires, de certains produits industriels déclenchent de nouvelles demandes d’augmentation de salaire et justifient la revendication de l’échelle mobile des salaires. En février 1937, le comité de coordination PCF- SFIO de Couronne, les syndicats, le Comité Amsterdam- Pleyel forment un comité de lutte contre la vie chère .
L’annonce par Blum de « la Pause »
C’est-à-dire le renoncement provisoire à l’échelle mobile des salaires, à la création d’une vraie retraite des Vieux provoque une vive déception parmi ceux qui luttaient pour ces objectifs ; le 05 -03 le Prolétaire Normand titre « La pause qui doit la faire ? ».
Mis en minorité au Sénat, Blum se retire le 22 -06 -1937. Le président de la République fait appel au radical Chautemps pour former un nouveau gouvernement soutenu par les élus du Front populaire. De nouveau les radicaux sont les arbitres de la situation.
L’échec du Front populaire
Ultime victoire, l’élection de Vallée.
Les élections cantonales ont lieu le 10 -10 -1937, le candidat du PCF Lucien Vallée est en tête dans le canton, à Grand Couronne, il obtient au 1er tour 34,8% des voix. Ses concurrents de gauche se désistent, Vallée est facilement élu face au candidat de droite, le PSF Saint Requier pour qui la majorité des électeurs de la droite classique n’hésitent pas à voter mais depuis plusieurs mois la tension est vive dans les pétroles.
Conflits dans les pétroles
En fait, depuis juin 1936, le conflit n’y a jamais cessé. Le respect, l’extension de la convention collective, le rajustement des salaires en sont les causes immédiates, mais les patrons de l’industrie pétrolière résistent aux revendications ouvrières : le respect, l’extension de la convention collective, le rajustement des salaires, l’échelle mobile. Ils sont les précurseurs de la contre-offensive de la CGPF (Confédération générale de la production française).
Le directeur force et brise la vitrine syndicale
La conférence des délégués des usines de la Basse -Seine, le 24 et 25 -07 -1937, adopte une série de résolutions qui exigent le maintien intégral du pouvoir d’achat, la retraite pour les Vieux, deux autres mettent en cause le sous-secrétaire d’état Ramadier.
Ces résolutions sont affichées le 04 -08 dans la vitrine installée sur les grilles à l’entrée de l’usine, réservée depuis juin à cet usage. Le directeur les juge diffamatoires et exige leur retrait, les délégués CGT s’y refusent. Barret, directeur du personnel force la serrure et enlève les textes.
Le conseil les remet en place le lendemain, c’est un samedi, l’usine est quasi déserte, le directeur brise la vitrine à coups de clé anglaise, s’empare des documents.
Le lundi, 450 salariés accompagnent leurs délégués au bureau de la direction, et votent une résolution dénonçant cet acte de vandalisme, affichée dans la vitrine elle est enlevée par un huissier. Le préfet s’interpose, il convoque les parties, le conflit s’apaise.
Le renvoi de Massie
Le tract annonçant le licenciement de Massie, secrétaire régionaldes syndicats de l’industrie du Pétrole
Trois semaines après cet incident, le 03 - 09, nouvelle provocation, Massie reçoit une lettre de licenciement en raison de ses absences répétées de juin 1936 à avril 1937, elles dépassent, de loin ce qu’autorise la convention aux délégués du personnel.
L’intéressé, militant expérimenté, répond qu’elles ont toutes été autorisées par l’un des directeurs : Courtan, mais il a commis l’erreur de se contenter le plus souvent d’une approbation orale. Il semble bien que la direction ait toléré ses absences jusqu’au printemps, aussi longtemps que l’influence modératrice de Massie a semblé utile dans les négociations.
Elles sont devenues inacceptables à l’automne. Plusieurs indices : correspondances échangées entre la raffinerie et la direction nationale, recours aux instances nationales, composition des délégations dans les tentatives de règlement du conflit, montrent que ces incidents ne sont pas des initiatives maladroites d’une direction locale mais une action délibérée du patronat du pétrole dont l’objectif est de rétablir l‘ordre et l’autorité des directions, de faire un exemple en se débarrassant d’un militant emblématique.
Si la CGT renonce à défendre Massie elle se discrédite auprès des travailleurs, si elle déclenche une grève pour le soutenir, elle pourra être accusée près de l’opinion, de prolonger l’agitation au moment même où le président du conseil, Chautemps, affirme vouloir y mettre fin.
De la mobilisation à la trêve
L’émotion est vive à Petit et Grand Couronne mais à trois semaines des cantonales, la paralysie des raffineries ne semble pas opportune. La direction nationale de la Fédération Nationale des Industries Chimiques (FNIC) s’adresse à Ramadier pour qu’il obtienne de la direction nationale de Jupiter la réintégration de Massie.
Elle y consent sous la double condition que l’intéressé respecte les horaires de travail de sa catégorie et que la situation soit définitivement réglée par son départ volontaire avant le 1er janvier.
Massie reprend son travail le 14 09. À l’AG du soir à la Raffinerie des voix s’élèvent pour réclamer que l’on vote la grève pour exiger la réintégration sans condition de Massie Celui-ci les en dissuade, la grève serait impopulaire, dit-il.
Vers la Grève
L'offensive de la FNIC en novembre, le succès électoral du Front populaire aux cantonales semble témoigner de la volonté d’une majorité de mettre fin à « la Pause ».
La FNIC estime le moment favorable pour demander l’ouverture de la négociation d’une nouvelle convention prévoyant le contrôle des licenciements et des embauches, la revalorisation des salaires. Elle presse Ramadier d’intervenir auprès de Jupiter pour la réintégration sans conditions de Massie. La société Jupiter, considérant le problème réglé par l’accord de septembre, s’y refuse. La FNIC envisage donc « une action de grande envergure pouvant aller jusqu’à la grève »
Elle convoque des AG dans toutes les raffineries de Basse Seine. Le 02 -12, Finck, secrétaire général de la FNIC annonce que « le cas Massie est tranché par son licenciement », qu’un nouvel arbitrage devrait intervenir le 06 -12 sur les salaires. S’il était nécessaire d’agir ce ne saurait être avant le 01 - 01 afin de « préparer les travailleurs de France, par une active propagande… ».
Massie reçoit confirmation de son licenciement le 3 -12. Le conflit semble inévitable, les RG rapportent que la grève est prévue le 03 -01. Les deux parties s’y préparent.
Du côté syndical, le syndicat des techniciens, où les trotskystes sont influents, s’irrite des hésitations de la FNIC s’emploie à rendre la grève inévitable, la FNIC dénonce ses provocations et s’efforce de convaincre la population, les élus, les travailleurs du bien-fondé du mouvement.
Le syndicat des industries chimiques de Petit Couronne lance le 27 - 12, un ultimatum à la Chambre syndicale des pétroliers, elle doit fixer une date pour l’ouverture des négociations sur la convention, réintégrer Massie, réajuster les salaires car les augmentations accordées par le dernier arbitrage sont insuffisantes.
Les Assemblées Générales, convoquées le 28 au réfectoire approuvent la grève à une large majorité chez les ouvriers, à la majorité relative parmi les cadres et techniciens. Du côté patronal, la direction multiplie les pressions individuelles sur les cadres et techniciens, non sans succès et prépare avec l’aide du commissaire spécial des mesures d’ordre pour maintenir « la liberté du travail ».
Le préfet manœuvre Il prend les mesures d’ordre demandées par les patrons reçus à plusieurs reprises et le gouvernement qui désormais fait évacuer systématiquement les entreprises occupées. Le 30 -12, il réquisitionne 15 pelotons de Gardes Républicains Mobiles (GRM) dont 5 rejoignent Couronne dans la nuit du 2 janvier, les autres sont en réserve à Rouen ou déployés dans les localités de la Basse –Seine.
Mais il déclenche simultanément une procédure de conciliation prévue par la loi de décembre 1936, les syndicats l’acceptent à condition qu’elle soit rapide.
Le 31, le Préfet réunit la commission départementale de conciliation, première étape du processus. Beyer, représentant de la FNIC, demande la réintégration de Massie, un nouveau réajustement des salaires, les représentants patronaux rejettent les deux demandes.
Constat d’échec, conformément à la procédure, les deux questions sont soumises à la commission mixte paritaire qui se réunit à Paris le 01 - 01, nouvel échec, nouvelle étape, chaque partie désigne un arbitre.
Le 03, la tension est vive à Couronne, les GRM patrouillent dans les rues, à l’AG du soir le secrétaire de l’UD CGT, Fernand Legagneux dénonce leurs manœuvres d’intimidation et annonce que les arbitres n’ont pu se mettre d’accord, un surarbitre est désigné dont on attend les conclusions. Aucune décision d’action ne peut être prise.
La mobilisation risque de s’effriter, pour la maintenir le Syndicat de Jupiter organise une manifestation en fin de journée le 05. Un cortège des ouvriers de la raffinerie, parti de l’usine, grossi par des salariés de la PEC et de la SONOPA, se dirige vers la mairie de Petit Couronne. Canton annonce la décision du surarbitre pour le 06 ou le 07. Coudray, secrétaire de l’UL CGT de Rouen prend vivement à partie le préfet et ajoute : « la grève se fera avec le gouvernement de Front populaire ou sans le gouvernement de Front populaire… ».
En clair, le mouvement ouvrier doit désormais compter sur ses propres forces. Le 07, le surarbitre rend sa sentence : sur « le cas Massie », l’entreprise a tenu son engagement, on ne peut lui imposer de le réintégrer. Les salaires seront majorés dans les raffineries de la Basse-Seine d’une prime de 23% se substituant aux majorations antérieures.
À l’AG du soir Massie lui-même demande à ses camarades d’attendre pour « avoir le personnel bien en mains, une grève ne doit pas être déclenchée à la légère, il faut avoir l’opinion avec soi » À l’AG de Petit Quevilly, le délégué FNIC affirme que la grève est inopportune, ses propos sont mal accueillis, des délégués d’usines ou de dépôts disent leur mécontentement, demandent la réintégration de Massie mais aucune des AG ne vote la grève.
Elle n’aura jamais lieu, malgré de nouvelles interventions, Massie qui a refusé l’emploi qu’on lui avait proposé dans un laboratoire dépendant de la chambre syndicale des pétroles ne sera pas réintégré, il devient permanent du syndicat des IC de Petit Couronne. Le 21, le 25 les RG rapportent que le calme règne à Couronne, certains salariés disent que le départ de Massie est un échec, « le syndicat n’a pas su manœuvrer ».
Le patronat au prix d’une revalorisation des salaires a maintenu le licenciement de Massie, différé la révision de la convention collective, ébranlé l’influence de la CGT dans l’usine et dans la branche, réaffirmé son autorité. C'est une première défaite syndicale
Le vain combat pour l’unité
À Couronne la volonté de faire vivre le Front populaire pour sauver la Paix, faire reculer le fascisme et les difficultés quotidiennes est toujours forte.
À chacune des crises ministérielles en janvier en mars, la même question est posée : fidélité au Front Populaire, à son programme ou rupture. Couronne affirme résolument sa fidélité. Le 17 -01 -1938, après la démission de Chautemps, le Comité de Front populaire organise un meeting où se pressent 700 personnes de Petit et Grand Couronne, Poujol, secrétaire de la section du PCF prononce un plaidoyer pour le Front Populaire. « il faut maintenir le Front Populaire, que le gouvernement soit dirigé par un socialiste, un radical, le programme du Front Populaire demeure : la Paix, le Pain, les Libertés ».
Tony Larue demande l’épuration des administrations qui freinent l’application du programme .
Le 2 mars, les syndiqués de Jupiter réunis comme à l’accoutumé au réfectoire, votent une motion : « les travailleurs… approuvent toute loi qui s’inspirerait de la politique de juin 1936. »
Empêcher le glissement à droite
Bien qu’il recueille la confiance des élus du F.P. le gouvernement Daladier constitué le 10 avril traduit bien un nouveau glissement à droite : il reçoit l’appui de députés de droite, inclut Reynaud, Wandel élus de droite, dans son équipe ministérielle et le 25 avril, il insiste sur la nécessité de remettre la France au travail. En mai de premiers décrets lois augmentent le contingent autorisé d’heures supplémentaires.
Le PCF, la CGT, une partie de la SFIO dénoncent cette première atteinte aux acquis de juin 1936 : la semaine de 40H.
À Couronne, c’est le thème majeur des élections pour le renouvellement des délégués du personnel, (chez Jupiter la CGT obtient 81% des voix), de la Fête de la section du PCF, elle réunit selon les organisateurs 4000 personnes les 27 et 28 - 08.
Après l’annonce, le 30 - 08, de l’autorisation des heures supplémentaires dans les secteurs concernés par la Défense nationale, les sections du PCF et de la SFIO de Couronne affirment, dans un communiqué, leur accord pour le maintien des 40 h, la fin de la non intervention en Espagne, protestent contre la libération des comploteurs cagoulards.
La Kermesse du Comité du Front populaire, à Grand Couronne, le 04 -09, organisée au profit des Vieux travailleurs et pour l’instauration d’une vraie retraite obtient un franc succès, le thème est consensuel.
La CGT mobilise elle aussi Le 30 août, sans autorisation préalable, la Fédération régionale invite les ouvriers de la Chimie à une réunion à Petit Quevilly, les orateurs condamnent le nouveau décret et font huer Daladier.
Les syndicats des I.C. de Petit et Grand Couronne distribuent un tract « Le mauvais coup est fait qui dénonce le décret et annonce une manifestation le 06 - 09. En fin de journée 2500 participants (1000, selon les Renseignements Généraux ) s’assemblent sur le terrain vague devant la SONOPA. Les orateurs : PCF, SFIO, CGT invitent à l’union pour sauvegarder les conquêtes sociales.
Drapeaux en tête, au chant de l’Internationale, un cortège se dirige ensuite vers la mairie de Grand Couronne scandant « ne touchez pas à nos 40 heures », « Daladier démission », « Les Cagoulards en prison ». Une nouvelle fois, les Couronnais confirment leur hostilité à la remise en cause des acquis de 1936.
Ils les défendront quelques semaines plus tard avec une détermination sans failles. Seconde défaite, l’échec de la grève générale De Munich aux décrets Reynaud.
La capitulation des démocraties devant les exigences du Führer, le 29 - 09, à l’issue de la Conférence de Munich, satisfait l'opinion.
Daladier est accueilli triomphalement à son retour à Paris. Il a les mains libres pour appliquer sa politique : réarmer, briser l’opposition du mouvement ouvrier. Reynaud devient ministre des Finances, du 12 au 15 novembre, le Gouvernement publie une série de décrets lois dont celui qui, sans la supprimer, vide de son contenu « la loi des 40 heures ».
Reynaud peut déclarer à la radio « la semaine des deux dimanches a cessé d’exister. ».
Chez les ouvriers c’est l’incompréhension, le refus catégorique. Pour A. Prost (1) « Les 40 heures sont un dogme pour les ouvriers et aucun raisonnement économique ou politique ne peut l’ébranler ».
Le PCF, la SFIO, le Congrès de la CGT réuni à Nantes condamnent les décrets. La résolution finale du congrès envisage une cessation collective du Travail. La C.A. de la CGT lance le 25 11 un ordre de grève générale de 24 heures pour le 30 novembre. Le patronat et le gouvernement sont résolus à l’épreuve de force et la préparent.
Le premier fait savoir qu’il considère que la grève est politique, qu’elle constitue une rupture de contrat de travail entraînant le licenciement. Le Gouvernement réquisitionne les fonctionnaires et la SNCF, mobilise les forces de l’ordre pour faire évacuer les entreprises si nécessaire.
La Grève éclate dès le 23 à Saint Gobain Comme à Paris, et dans le Nord, l’application provocatrice par la direction de St Gobain du décret, sans consultation préalable, le 23 - 11, elle décide d’étaler, sans nécessités productives la semaine de travail sur 6 jours, suscite la colère des ouvriers, ils cessent immédiatement le travail imités par ceux de Bozel, de la Bordelaise, des dépôts pétroliers.
Le 25, PEC et SCPA sont en grève, à 15h 15 ; l’usine temporairement occupée, est évacuée sans incidents ; 2 pelotons de gendarmes ont été appelés en renfort. Chez Jupiter, le même jour, en fin de journée, 500 salariés entendent Massie énumérer les revendications présentées à la direction, l’après-midi.
On passe au vote : sur 410 suffrages exprimés 268 se prononcent pour la cessation du travail, courte majorité.
La grève commence immédiatement. Le 26, un comité de Grève est formé, mais 2 pelotons de GMR supplémentaires maintiennent le libre accès à l’usine.
Le soir 500 Couronnais se rendent à Rouen à la Halle aux Blés où sont rassemblés les grévistes de la rive gauche, ils entendent l’un des orateurs déclarer « Non, M. Daladier, la classe ouvrière n’obéira pas à Hitler ».
La grève se poursuit, le 28 elle reste majoritaire chez PEC/SCPA, mais chez Jupiter, à 17H 30, 670 salariés sont au travail, 336 en grève, l’échec de janvier a laissé des traces. Le 29, chez SONOPA, le syndicat consulte les salariés : 79% décident de participer à la grève générale du lendemain.
À Grand - Couronne, elle est un succès, sauf chez Jupiter les ¾ des salariés sont en grève. Ils sont très attachés aux 40 Heures et peut-être plus encore à « la semaine des deux dimanches », elle permet, avec les quarts, à tous ceux qui résident encore sur le plateau du Roumois de partager leur vie entre le travail sur de micro exploitations agricoles, (la leur ou celle de la famille) et l’usine, ils ne comprennent pas chez SONOPA et PEC qu’en période de chômage partiel on les contraigne à renoncer à cet avantage.
L’opposition est moins vive chez Jupiter, la direction n’a pas encore appliqué le décret et elle vient d’accorder une nouvelle augmentation de 4% ;
Une reprise lente, difficile Chez Jupiter
À partir du 2, la situation des grévistes licenciés est examinée par une commission ad hoc qui prononce soit la réintégration, après signature d’une lettre, assortie de sanctions ou la révocation : 58 grévistes sont licenciés à la raffinerie, 47 chez URG.
À la réunion de fin de journée Legagneux et Massie sont applaudis mais l’amertume est grande ; Arsac rapporte les propos entendus « Les patrons ont gagné la partie. Ils en profitent. Mais nous aurons bien un jour notre revanche… »
À la PEC/SCPA la grève commencée le 25 est reconduite le 01- 12, les grévistes refusent de répondre aux convocations, reçues la veille, pour examen individuel de leur cas.
Le syndicat demande, sans succès , de rencontrer la direction. Elle entreprend l’examen des dossiers des grévistes et , pour hâter la reprise de la production, embauche 95 salariés. Nouvelle provocation pour le syndicat.
Mais le mouvement s’affaiblit, le 5 les grévistes sont minoritaires 353 contre 453 au travail. Le 09, Massenet affirme que le travail est normal mais l’atmosphère un peu lourde…. 23 salariés sont licenciés (31 selon l’inspection du travail). SONOPA résiste jusqu’à la fin décembre La grève y a été massive : 78%, (100% aux papeteries de la Chapelle, à Saint Étienne).
Les directions font savoir qu’elles procéderont comme dans les autres entreprises. Presque chaque matin, réunis en face de la SONOPA ou au cinéma Boutigny, les grévistes des deux papeteries réaffirment leur refus de cette procédure et exigent « Tous ou personne » pas de sanctions, maintien des salaires et des dispositions de la convention. Les gendarmes, 3 pelotons de GRM patrouillent en ville de 3 H du matin à 9 H. du soir, surveillent les accès à l’usine et à la cité SONOPA tandis que les piquets de grève disposés à la gare, côte de Moulineaux, à la sortie de la cité s’efforcent de dissuader ceux qui voudraient reprendre le travail.
Dans la 2è semaine de décembre, le préfet tente une médiation, il reçoit les délégués des deux usines puis les deux directions qui assurent que les salaires ne seront pas diminués mais que « 30 meneurs » ne seront pas repris. Ses efforts pour organiser une rencontre des deux parties échouent car les patrons entendent choisir leurs interlocuteurs ouvriers ! Le 12-12, il reçoit une délégation syndicale accompagnée de Désiré Granet secrétaire fédéral du syndicat du Papier Carton qui lui demande la réunion de la commission départementale de conciliation.
Le préfet consulte le Ministère du travail. Mais la situation des grévistes devient insupportable, privés de salaire (d’autant que la direction n’a pas versé les payes dues pour les dernières périodes ouvrées), ils ont des difficultés à subvenir aux besoins de leurs familles malgré la solidarité qui s’organise et les secours du bureau de bienfaisance de Grand -Couronne.
Un mouvement de reprise se dessine et s’accélère : le 17 - 12, les grévistes sont en minorité dans les deux usines Il faut trouver une issue, le conseil syndical de SONOPA propose aux parties de s’en remettre aux conclusions de la commission d’arbitrage dont la tenue a été autorisée et invite les salariés à se rendre à l’usine pour signer leur feuille « de réembauchage » que les délégués remettront à la Direction. Le 20 la direction rencontre les délégués, en présence du préfet, elle expose son plan de reprise de l’activité étalé sur 2 jours ; le 21 il y a encore 217 grévistes, la grève prend fin à la veille de Noël.
Commencée le 25 novembre, la grève a été à Grand - Couronne d’une combativité et d’une durée exceptionnelles. Briser la CGT ? C’est semble-t-il le choix du gouvernement et du patronat. L’amertume, on l’a vu est vive parmi les salariés Des gestes symboliques tels que la signature d’un quitus par les réembauchés de Jupiter, (aveu de culpabilité en quelque sorte), la communication par les forces de l’ordre « les flics » aux grévistes de la Chapelle des conditions et modalités de la reprise sont reçus comme des humiliations qui montrent la volonté du patronat de réaffirmer son autorité, de même que les déclassements, la perte d’ancienneté, dont le profit financier est mince pour les patrons visent à punir et, pour l’avenir à dissuader de passer à l’action.
Les licenciements sont massifs et sélectifs En dépit des appels à la modération, y compris du préfet, les licenciements sont nombreux : 58 chez Jupiter, 47 chez URG, 48 à la SONOPA, 31 chez PEC, 182 au total sur 2300 salariés le 30 11, soit 5,5%. La réintégration au cas par cas a permis d’éliminer les « indésirables » : délégués, responsables syndicaux, militants actifs, de la CGT : 17 délégués chez Jupiter, la totalité chez URG, le but est clair, désorganiser les sections syndicales.
Les portes se ferment devant les licenciés
L’Avenir normand (qui a succédé au Prolétaire en 1937) décrit les difficultés des licenciés de Grand - Couronne qui se heurtent « à la liste dressée par les patrons ». La PEC, SOGEMA, refusent d’appliquer les arbitrages favorables aux salariés, multiplient les recours.
L’attitude du gouvernement qui a sanctionné de nombreux fonctionnaires, s’est opposé en février à un projet de loi d’amnistie, encourage les entreprises à la fermeté.
Le nombre des licenciés sans travail diminue cependant de 1500 en décembre, en Seine Inférieure, à 359 en 02 - 39, 250 en mai.
À Couronne plusieurs militants seront encore au chômage au moment de la déclaration de guerre.
Le recul de la CGT
Cette sévère répression a entrainé une baisse du nombre des syndiqués. Le secrétaire de l’Union locale CGT de Rouen reconnait la perte de 3899 adhérents, le commissaire Arsac avance le chiffre de 15 000 pour 1937 et 1938.
Ébranlée la CGT, où les conflits de tendance s’accusent entre les réformistes emmenés par Énée secrétaire adjoint de l’UD et Legagneux, ex CGT-U secrétaire général, reste néanmoins majoritaire aux élections professionnelles du printemps 1939 : largement à la PEC et à la SONOPA, plus difficilement chez Jupiter mais tous ses candidats sont élus en dépit des manœuvre patronales.
Mais dans les 9 mois qui séparent la Grève générale de la déclaration de guerre le 3 septembre 1939, il n’y a aucune grève.
Daladier a atteint son objectif, les usines d’armement tournent, la France est au travail mais elle est profondément divisée au moment, où plus que jamais, son unité serait nécessaire.