XXe siècle

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XXe siècle

 

 

Pendant toute cette période et jusqu’en 1914, Grand-Couronne reste un village dominé par le monde agricole. Cependant, la proximité de Rouen et l’évolution générale du monde transforment peu à peu l’environnement dans lequel vivent les Couronnais dont le nombre stagne jusqu’en 1844 autour de 1 100.

Devant le foisonnement des sources documentaires qui nous permettent de connaître ce siècle, nous avons choisi de nous appuyer sur quelques dates-repères qui nous semblent révélatrices de l’évolution de la commune.

 

1. Le 4 février 1800 disparaissent les éphémères municipalités de canton. Les communes retrouvent leurs maire, adjoints et conseil municipal, même si, tout au long du siècle, les modes de choix de ces représentants et leur nombre varient beaucoup. Les districts se transforment en arrondissements ; un préfet est désormais à la tête du département et soumet les communes à une tutelle étroite. Grand-Couronne devient en 1800 chef-lieu d’un vaste canton qui couvre toute la rive gauche de la Seine (sauf Saint-Sever) et regroupe (comme en 2008) plusieurs communes de la rive droite.

 

2. Le Concordat de 1801, signé au nom du Premier Consul Bonaparte et du pape, fixe les rapports de l’État et de l’Église. Les communes sont obligées de payer les prêtres vicaires. Les instituteurs, dès 1802, sont nommés et rémunérés par elles. À partir de 1816, ils sont subordonnés au curé et au maire. Cette situation durera jusqu’au début de la IIIe République ; la religion reste la base de l’enseignement. Sous la Restauration (1816-1830), le ministère responsable se nomme “Ministère des Affaires ecclésiastiques et de l’Instruction publique“. Il perd sa référence ecclésiastique en 1828.

La loi Guizot du 28 juin 1833 impose à chaque commune une école pour les garçons de 6 à 13 ans. À Grand-Couronne, cette école fonctionnera d’abord dans le vicariat rue de l’Aumône puis, en 1862, dans une construction neuve. L’éducation ne progresse que lentement : 668 élèves dans le canton en 1834 ; 50% des enfants, garçons et filles, scolarisés en 1841.

La loi Falloux du 15 mars 1850 impose aux communes de plus de 800 habitants une école de filles qui, à Grand-Couronne, sera pendant longtemps confiée à des religieuses de Saint-Aubin. La question de la nomination d’enseignantes, religieuses ou laïques, sera souvent au centre des débats et créera de fortes dissensions.

À partir du début des années 1880, sous l’influence de Jules Ferry qui fait adopter la fameuses trilogie : obligation-laïcité-gratuité de l’école, on va voir progresser sensiblement le nombre des garçons et des filles alphabétisés.

 

3. Le premier “gros” changement économique se produit en 1815 lorsqu’un fabricant venu de Caen, Chauvel, installe à Grand-Couronne une fabrique de tulle qu’il dirigera jusqu’à son décès en 1827. Son successeur, Louis Paul Lefort, fait construire une usine qui, grâce à lui et à une famille d’inventeurs de machines, les frères anglais Thomas et surtout Jean Leavers, connaîtra un grand développement. Cependant, le nombre d’employés ne dépassera jamais la cinquantaine. Cette activité se maintiendra jusqu’au milieu des années 1920.

 

4. Une date très importante dans l’histoire de la commune est celle du 19 juillet 1844 : une ordonnance royale rattache à Grand-Couronne la section C de Petit-Couronne, c’est-à-dire Les Essarts. Grand-Couronne gagne d’un coup 500 habitants, un riche territoire agricole, une vaste zone forestière, une activité importante de briqueterie. Mais les premiers temps de la cohabitation furent difficiles. Les Essartais, séparatistes, voulaient, par exemple, leur propre section électorale et leurs propres conseillers au sein de la municipalité, ce qu’ils obtinrent, se sentant méprisés par les Couronnais “du bas”. Ceux-ci considérèrent que Louis-Philippe leur avait fait un cadeau empoisonné. “L’État, … a imposé ce hameau à la commune qui le rejetait” lit-on dans une délibération du 23 novembre 1851. Heureusement, ces oppositions s’apaisèrent avec le temps.

Les limites définitives du territoire communal se fixèrent dans le premier demi-siècle. L’annexion des Essarts donnera à Grand-Couronne une limite de contact avec Oissel ; le chemin de l’Étoile devint, le 5 mars 1820, la “frontière avec Orival”. Avec Moulineaux, ce fut beaucoup plus compliqué. Cette paroisse fut, en 1813, rattachée à La Bouille, mais une partie de son territoire - Le Grésil - fut alors attribué à Grand-Couronne qui le conserva lorsque Moulineaux retrouva sa souveraineté en 1837. Un long contentieux commençait.

Grand-Couronne, qui couvrait 991 hectares en 1800, en a 1 997 en 1868. L’élaboration du cadastre du territoire, décidée par Napoléon Ier en 1807, fut achevé pour Grand-Couronne en 1840.

 

5. À partir du milieu du siècle, le visage du centre-bourg se modifie profondément. En effet, les municipalités successives, malgré la modicité de la population qui décroît jusqu’en fin de siècle (1 700 habitants en 1844, 1395 en 1898 dont 250 aux Essarts ; 32 naissances et 42 décès en 1899), fournissent des efforts de rationalisation de l’espace communal et de modernisation des structures administratives. C’est ainsi qu’en moins de vingt ans on voit, dans le centre du village, s’élever enfin une vraie mairie (1851), une école de filles (1856), une gendarmerie et une école de garçons (1862). Aux Essarts, l’église Saint-Antoine-de-Padoue accueille les fidèles à partir de 1863 ; puis on y ouvre une école au centre du hameau en 1869. Les Essarts, étant érigés en succursale religieuse, se voient désormais dotés d’un curé qui remplace le vicaire. Il est alors nécessaire de construire un presbytère. C’est fait en 1877. L’église Saint-Martin, elle, est rénovée dans les premières années 1880 (cf. “LE FRAIS ET CHARMANT VILLAGE DE GRAND-COURONNE ”).

Autre nécessité : l’apport démographique des Essarts a, après l’unification, augmenté les difficultés d’inhumer dans le lieu séculairement réservé aux morts, autour de l’église Saint-Martin. À partir d’août 1878, les projets de création de deux cimetières se succèdent. Celui de Grand-Couronne mesurera 28 ares, celui des Essarts (près de la forêt) 20 ares. Le cimetière ancien est désaffecté en avril 1883, mais le transfert des tombes ne se fera que beaucoup plus tard.

 

6. Au début de 1883 est inaugurée la voie ferrée Rouen-Elbeuf par Grand-Couronne, tronçon de la ligne Rouen-Orléans, avec la gare et ses maisons de gardes-barrières (cf. “120 ANS DE CHEMIN DE FER À GRAND-COURONNE ” de R. Lefebvre). Ce nouveau mode de communication va, pendant quelques dizaines d’années, devenir le principal moyen de transport, portant un coup sévère à la liaison fluviale Rouen-La Bouille et affaiblissant l’activité des routes empruntées jusque-là. Dans ce domaine aussi la commune a pourtant fourni durant tout le siècle de gros efforts de rationalisation : classement des chemins (dès 1822), élargissement des rues à 6 mètres (1863), alignements, construction de caniveaux et même de trottoirs. Dès 1811, la lacune routière entre Grand-Couronne et Moulineaux était résorbée. En 1853, la côte des Essarts est aménagée. La route Rouen-Les Essarts est devenue carrossable. En 1877, il y a déjà des réverbères à huile.

Dans le même temps commencèrent les travaux d’endiguement et d’approfondissement de la Seine (1848) qui, dès 1856, permettent à des navires calant 7 mètres de remonter jusqu’à Rouen. La deuxième série de travaux (1867-1895) fait disparaître les trous et les irrégularités de largeur du lit à La Bouille, Moulineaux et Grand-Couronne. L’accul est isolé de la Seine par une digue et déjà à demi comblé d’alluvions en 1893.

Enfin, l’administration s’étoffe : un poste de secrétaire de mairie est créé en 1863, un notaire s’installe sur la Grand’Rue, un garde champêtre officie, etc.

 

7. Une grande partie des fléaux du temps passé ont disparu ou se sont raréfiés. Les épidémies meurtrières, malgré les alertes comme celle du choléra en 1832, reculent en face des progrès de l’hygiène et de la médecine. Les famines et disettes deviennent plus rares. L’agriculture devient plus productive : la jachère a disparu à Grand-Couronne en 1843, des cultures se développent comme celle de la pomme de terre dont le canton devient gros producteur, l’emploi d’engrais permet de meilleurs rendements. Mais le seul de ces fléaux qui persiste est celui de la guerre. La commune eut à subir deux fois les drames de l’occupation militaire : en 1816, à la suite de la défaite de Waterloo et de la fin du règne de Napoléon Ier, les Prussiens occupèrent la région rouennaise ; en 1870-71, Grand-Couronne fut une des communes de Seine-Inférieure qui subirent le plus douloureusement la dure présence des troupes allemandes (cf. GRAND-COURONNE DANS LA GUERRE DE 1870-1871 de P. Creoff).

Par contre, la petite commune eut l’honneur de recevoir la visite de deux chefs d’État : le roi Louis-Philippe en 1833, le président de la République Sadi Carnot en septembre 1888

 

 

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